Samedi soir en fin d’après-midi, une femme et son compagnon ont été happés par une vague alors qu’ils se trouvaient dans une partie basse des jardins du phare de Biarritz. Si l’homme s’en est miraculeusement sorti, la jeune femme n’a pu regagner la plage, et son corps n’a toujours pas été retrouvé malgré les recherches qui se poursuivent.
Je voudrais commencer par adresser mes condoléances à la famille de la jeune disparue, meurtrie par la brutalité de l’accident de leur fille, que les images vidéo passées en boucle sur les chaînes d’informations sont venues leur rappeler douloureusement au lendemain de l’accident.
Après Angelica Mondange (22 ans) en juin 2012 aux Casetas, Robert Bourau-Touyarou (72 ans), en novembre 2012 au Phare, c’est aujourd’hui Charlène Guillem, 28 ans, qui devient la 3e victime d’une chute à la mer en l’espace de 19 mois à Biarritz. Cela commence à faire beaucoup.
Ce qui m’a le plus choqué après l’accident est la réaction des gens. Sans même savoir comment l’accident s’était produit, les donneurs de leçon sur Facebook ou dans les commentaires d’articles étaient prompts à culpabiliser les jeunes. Comme s’ils avaient sciemment bravé un danger qu’ils étaient censés connaître.
La vérité est que la victime, vivant à Bayonne mais originaire de Maine-et-Loire, n’avait pas la notion du danger à cet endroit. Sans quoi elle ne s’y serait certainement pas aventurée. Ces personnes n’ont pas fait exprès de se mettre en danger.
Les panneaux ne suffisent pas à prévenir les accidents: ils constituent une mesure de prévention nécessaire mais insuffisante. Il y a bien des panneaux d’avertissement au phare, mais on voit tant de personnes passer outre en temps normal, qu’on peut être tenté d’en faire de même. Certains panneaux, comme celui de la photo ci-dessus, sont placés bien avant la zone dangereuse, qui dépend elle-même des conditions de houle et de la marée.
Ce qu’il faut savoir est que la zone du Phare où est survenu l’accident est régulièrement fréquentée par des jeunes par forte houle depuis des années. J’y allais moi-même avec mes camarades au lycée pour voir les vagues nous passer par-dessus dans la grotte, et ce jeu à risque (que je ne recommande pas) a même été récompensé l’année dernière à un concours de vidéos pour mettre l’eau en valeur. Si on peut être relativement à l’abri en haut de la grotte, ce n’est plus du tout le cas quand on descend quelques mètres plus bas, là où retombe la vague. Ces jeunes ne le savaient probablement pas et ils ont été surpris à cet endroit par une série de vagues énormes alors qu’ils tournaient le dos à l’océan (chose à ne jamais faire, mais ça aussi il faut l’avoir appris).
Il y a un énorme de travail de sensibilisation à faire et à renouveler inlassablement pour faire comprendre aux gens les dangers de l’océan. Et ces messages de prévention devraient encore être renforcés les jours de forte houle. La prévention des risques en bord de mer est nettement insuffisante par rapport à ce qui se fait à la montagne notamment. On part du principe que les gens devraient connaître les dangers de l’océan; s’il est facile de donner des leçons quand on est surfeur à Biarritz, il est beaucoup moins évident d’anticiper les risques quand on n’a aucune expérience de l’océan.
Les deux personnes tombées à l’eau brusquement ont immédiatement pris une deuxième vague énorme sur la tête. Malgré les conditions extrêmes, elles ont pu nager jusqu’à se rapprocher de la plage du Miramar. Là un sauveteur providentiel en la personne d’Iban Régnier, le président de Surfeurs Solidaires (à qui il faut tirer un grand coup de chapeau), n’a pas hésité à confier ses enfants à un passant et à se jeter à l’eau en slip pour les secourir. Aidé par le Maître-Nageur de la piscine du Sofitel Miramar, il réussira à sauver l’homme, mais la jeune femme, probablement épuisée, finira par disparaître dans les vagues. Selon Iban, ils ont tenu une vingtaine de minutes dans une eau à 12°C avec ces fortes vagues et du courant, mais les secours sont arrivés juste après que la jeune femme disparaisse.
A chaque fois qu’un accident de ce genre survient, il faut se demander si on n’aurait pas pu faire mieux pour éviter ses conséquences dramatiques. Ici, on peut se demander si Biarritz ne gagnerait pas à avoir une équipe de sauveteurs prêts à intervenir pendant les week-ends et les vacances, a fortiori quand il y a de grosses vagues. Le sauvetage côtier se développe à Biarritz, et il pourrait être intéressant de mobiliser des jeunes sauveteurs pendant les jours d’affluence hors saison. Un jet-ski de sauvetage prêt à démarrer depuis Biarritz serait également une bonne idée, car à l’heure actuelle, il faut attendre que le matériel de sauvetage arrive par la route avec les pompiers depuis Anglet.
La vidéo de l’accident a au moins un intérêt pédagogique pour voir comment un accident de ce type peut survenir. C’est aussi un condensé de ce qu’il ne faut pas faire. Quand on voit des personnes en situation périlleuse, on pose immédiatement sa caméra et on leur crie de sortir de la zone dangereuse. Quand on voit quelqu’un tomber à l’eau, on appelle directement les secours soi-même. Et on appellele SAMU ou les pompiers plutôt que la police dans ces circonstances. Chaque seconde compte dans ces situations.
Il faut bien comprendre que ces accidentés sont des victimes. Nous pouvons tous être amenés un jour ou l’autre à être pris en défaut par l’océan. Lors de la rentrée de houle lundi dernier, je me suis moi-même fait surprendre par une vague à un endroit où jamais je n’aurais imaginé que l’océan pouvait aller. Idem pour les jeunes sauveteurs surpris par une vague dans leur local au même moment. Le spectacle de l’océan est tellement fascinant que nous nous en approchons instinctivement pour l’admirer, c’est plus fort que nous. Apprendre à garder ses distances demande de l’expérience. A nous, habitués de la mer, de transmettre nos conseils de prudence aux néophytes, pour leur éviter un accident, et ne pas hésiter à leur porter secours le cas échéant.