Quel Avenir pour l’Hôtel du Palais de Biarritz ?

Le Conseil Municipal du 30 Juillet 2018 concernant un bail emphytéotique en faveur de la SOCOMIX m’a donné l’occasion de m’exprimer sur l’Hôtel du Palais, et au-delà de cette délibération sur les implications pour la Ville :

Monsieur le Maire, mes chers Collègues,

En préambule, j’aimerais rappeler que l’Hôtel du Palais est un dossier extérieur au pacte municipal, vu qu’aucun d’entre nous n’avait proposé de projet précis sur son avenir dans son programme. Je m’exprime donc en toute liberté sur ce dossier que j’ai également pu appréhender en tant qu’administrateur de la SOCOMIX.

J’aimerais préciser aussi que ce que l’on nous demande aujourd’hui est lourd de conséquences pour la ville et les conseillers municipaux que nous sommes devront en assumer la responsabilité pour les décennies à venir.

Vous nous proposez donc aujourd’hui un bail emphytéotique entre la ville de Biarritz et la SEM Socomix pour les 75 prochaines années, durée astronomique qui engagera les 12 prochains maires de la ville, dont certains ne sont même pas encore nés… Avons-nous le droit de faire un choix irréversible pour les prochaines équipes municipales ? J’en doute, car nous n’avons pas obtenu mandat des électeurs en 2014 pour en décider.

Cette première brique du montage que vous nous avez exposé permettrait certes de régulariser les rapports pour le moins « atypiques » (c’est un euphémisme) entre la Ville et la SEM qui gère l’hôtel.

Même si le montage paraît habile, il ressemble à un compromis au rabais pour la Ville qui se retrouvera virtuellement dépossédée de l’hôtel pendant 75 ans et y gagnera peu eu égard à la valeur réelle du bien. Les investisseurs, les banques, et le gestionnaire, se retrouveront à l’inverse dans une situation très confortable et quasiment dénuée de risques financiers. Si vous me permettez une expression un peu triviale, nous n’aurons plus le beurre, mais ils auront l’argent du beurre.

Ce bail nous a été présenté comme le préalable nécessaire pour relever le défi d’accueillir un G7 (ou un G8) dans un Hôtel du Palais flambant neuf en août 2019.

Cela impose un agenda très strict de travaux de rénovation à réaliser sans faute en un temps record. Mais ne confondons pas vitesse et précipitation. On ne peut pas signer un bail de cette importance juste parce que le temps presse.

C’est une belle ambition que d’accueillir un G7 dans les meilleures conditions mais il s’agit là d’un objectif à court terme.

Les conseillers municipaux que nous sommes doivent en faire abstraction pour se projeter sur le long terme et se prononcer dans le sens des meilleurs intérêts de la ville sur le temps long. C’est avant tout cela qui préoccupe la nouvelle génération d’élus que nous sommes.

Pris sous cet angle d’une vision à long terme, le bail que vous nous proposez apparaît tout de suite beaucoup moins séduisant.

Il laisse en effet planer de nombreuses zones d’ombres et d’incertitudes sur l’avenir.

Nous sommes toujours en attente des scénarios de remboursements de l’emprunt historique que la SOCOMIX va contracter pour les prochaines tranches de travaux (y compris dans les worst-case scenarios).

Le pire n’est jamais sûr, mais gouverner c’est aussi prévoir les événements défavorables.

Quand bien même la SOCOMIX serait en capacité de rembourser ses emprunts grâce à l’augmentation des profits légitimement attendus de la gestion par un groupe du niveau d’HYATT, on n’a toujours pas su m’expliquer comment nous serions capables de provisionner suffisamment d’argent pour faire face aux prochains grands travaux qu’exigera immanquablement l’Hôtel du Palais pour conserver son standing dans les années à venir (pour mémoire nous n’avons jamais réussi à le faire par le passé). Les exigences du grand luxe évoluent vite et il se peut que pour rester dans la compétition internationale, il faille plus tôt que tard réinjecter de fortes sommes d’argent pour maintenir l’hôtel au niveau Palace.

Le seul horizon que nous avons aujourd’hui est celui d’une vie à crédit pour l’Hôtel du Palais dont nous remettrons le sort à nos créanciers.

Parlons de la redevance : un bail emphytéotique offre par principe un loyer modique, par rapport au loyer auquel nous devrions légitimement prétendre.

Pour comprendre le pourquoi de la modicité du loyer, je me suis penché sur l’histoire du bail emphytéotique. Comme vous l’avez lu, il est régi par le Code rural et de la pêche maritime car à la base il concernait surtout des espaces ruraux dont le propriétaire déléguait l’entretien et la mise en valeur. On comprend bien dans un tel cas que les 2 parties y trouvent leur intérêt : le bailleur car les terres dont il ne pouvait pas s’occuper sont entretenues et l’emphytéote dont les moyens financiers limités n’auraient pas permis de louer ces espaces à leur valeur réelle.

Le cadre du bail emphytéotique a ensuite été élargi aux immeubles et il profite aujourd’hui à des acteurs ayant des moyens financiers incomparables à ceux des agriculteurs : promoteurs, investisseurs, ou hôteliers comme c’est notre cas ici.

Mais pourquoi diable devrions-nous nous contenter d’un loyer largement inférieur à ce que représente notre bien ?

La Ville de Biarritz a des besoins importants de rentrées d’argent pour financer les infrastructures et les services auxquels aspirent légitimement les citoyens biarrots, et a fortiori les clients d’un palace (j’y reviens).

Ce loyer avait été évalué il y a tout juste un an à 4 millions d’euros par un célèbre avocat local spécialisé dans le droit immobilier, Maître Jean-Benoît Saint-Cricq pour ne pas le nommer. Je vous cite Maître : « Compte tenu de la valeur de cet hôtel, murs et fonds [que vous évaluiez alors à 200 M€] n’importe quel propriétaire exigerait un loyer de 4 millions d’euros par an ».

Pourquoi dans ce cas se contenter d’un loyer inférieur à 1 million d’euros quand son bien en justifie le quadruple ?

Certes, dans notre cas, l’affaire serait difficilement viable avec un loyer ramené à son juste niveau, mais il existe une autre option qui reste un sujet tabou pour certains : la vente.

La question cruciale à laquelle nous n’avons jamais eu de réponse sérieuse, même approximative, est : combien vaut réellement l’hôtel du Palais ? (murs + fonds). Nous avions acheté le tout en 1955 pour 120 Millions d’anciens francs [à ce moment de mon intervention, il semble que j’ai commis une erreur dans la conversion en euros actualisés]. Rien ne dit que la valeur intrinsèque du bien n’a pas largement augmenté depuis, compte-tenu de son prestige, de sa localisation en front de mer unique au monde et de l’évolution à la hausse des transactions immobilières récentes sur des biens d’exception.

Quel que soit le prix réel de l’hôtel à la vente ou à la location, l’évidence pour moi est qu’il faut aspirer au meilleur prix pour la ville.

Même si nous ne vendons pas le Palais sous ce mandat, cela doit rester une possibilité pour nos successeurs s’ils recevaient une offre à la hauteur.

Pourquoi vouloir rester propriétaire de l’hôtel à tous prix, alors que ce bail nous en dépossèdera de facto pendant 75 ans ? Même si elle aura toujours en théorie un droit de regard en tant qu’actionnaire majoritaire au sein de la SOCOMIX, en réalité la Ville ne sera plus qu’un roi nu (et nu-propriétaire), car elle devra se plier aux desideratas de l’exploitant pour résoudre la quadrature du cercle, à savoir dégager suffisamment de bénéfices avec un hôtel saisonnier ouvert à l’année. On reviendra alors aux seules marges d’ajustement possibles comme la fermeture de l’hôtel plusieurs mois en hiver ou la réduction de sa masse salariale, que personne ne souhaite évidemment mais qui pourra nous être imposée demain, sans que nous ne soyons en capacité de nous y opposer réellement.

Dans ce contexte, la vente de l’Hôtel doit être une option à explorer tout en prenant évidemment les précautions nécessaires pour que sa destination reste celle d’un palace.

La vente doit toujours être envisagée en dernier recours. Mais quand un propriétaire n’a plus les moyens de faire face aux travaux, il se pose légitimement la question de la vente. L’attachement au bien peut faire retarder l’échéance mais un jour ou l’autre on se heurte à la réalité financière. Et la réalité c’est que la SOCOMIX, dont la trésorerie est à sec, n’a ni les ressources ni le modèle économique pour financer des travaux.

Je rêve du meilleur avenir pour l’Hôtel du Palais, mais il faut parfois savoir se séparer d’un bien au bon moment.

Avec le produit d’une vente, nous pourrions nous désendetter, embellir la ville, et pourquoi pas se lancer des défis ambitieux comme celui de faire de Biarritz une Ville autonome en énergies renouvelables.

Une Ville au niveau Palace

La Ville a elle aussi besoin de se mettre au niveau Palace. Ce n’est pas parce qu’on transforme un hôtel en resort que les clients ne vont plus en sortir.

Il faut donc mettre au même niveau d’excellence les abords de l’hôtel et la ville dans son ensemble.

Le Palais ne conservera son standing que si l’environnement de l’hôtel est au niveau.

Les clients de l’hôtel viennent chercher chez nous une qualité de vie, et une qualité de ville.

Nous devons donc rechercher l’excellence pour l’environnement urbain, l’excellence architecturale (c’est l’ambition de l’AVAP pilotée par l’adjointe à l’urbanisme Nathalie Motsch), l’excellence culturelle (la 2ème adjointe Jocelyne Castaignede ne me contredira pas), mais aussi l’excellence sanitaire (pour la délégation qui me concerne).

Or, aujourd’hui nous avons un problème urgent à régler : il concerne notre réseau d’assainissement qui aura un siècle en 2022.

Aujourd’hui, j’estime que nous ne pouvons plus repousser cet investissement urgent de rénovation de notre système d’assainissement.

On ne peut plus accepter que les déversoirs refoulent des eaux usées sur la Grande Plage, face à l’Hôtel du Palais.

Nous avons vu ces dernières semaines que les travaux récents ne suffisent pas à résoudre les déversements.

Il s’agira de travaux lourds qu’on peut évaluer entre 50 et 100 millions d’euros si on inclut une augmentation des capacités de stockage à des points stratégiques, une mise en réseau séparatif d’une partie de la ville et un renforcement de notre station d’épuration.

Mais aujourd’hui nous nous heurtons à la réalité de nos moyens financiers qui ne nous permettent pas de tels investissements. Nous n’avons pas cet argent et vous m’avez bien dit Monsieur le Maire que nous ne pourrions jamais espérer de telles sommes de la communauté d’agglomération qui a la compétence assainissement.

A partir de là, nous n’avons pas 36 options. Soit nous continuons de nous accommoder des jours de fermetures de plages après les orages, en continuant à claironner que l’eau est bonne quand elle n’est pas polluée. Soit nous dégageons enfin les ressources pour réaliser ces investissements nécessaires. C’est cette deuxième option que je continuerai à défendre bec et ongles.

Aujourd’hui des pays émergents investissent dans des réseaux d’assainissement plus modernes que le nôtre. Nous sommes en compétition avec ces pays où l’ensoleillement est supérieur. A Biarritz, station balnéaire, nous devrions au moins offrir la possibilité de pouvoir se baigner tous les jours dans l’océan. C’est ce que demandent nos visiteurs, comme ce groupe de touristes allemands qui nous a écrit la semaine dernière pour se plaindre des pollutions répétées de nos plages et nous demander un remboursement des jours où ils n’ont pas pu aller dans l’eau.

Mes chers collègues, nous devons garder la tête froide : la perspective du G7 ne doit pas nous conduire à brader l’hôtel et à hypothéquer l’avenir de la Ville.

Aujourd’hui la Ville de Biarritz et l’Hôtel du Palais n’ont pas besoin d’un simple lifting pour le G7, mais de rénovations structurelles et profondes associées à un mode de gouvernance et de gestion durables.

Il existe des solutions alternatives, et pourquoi pas celle d’un financement exceptionnel de l’état pour remettre à neuf le site qui accueillera les plus grands dirigeants de la planète ? Cela pourrait parfaitement entrer dans les frais pris en charge par l’état, comme cela s’est fait dans les autres villes ayant reçu un G7.

Vous me rétorquerez peut-être Mr Le Maire comme au dernier conseil municipal que je n’y connais rien, et vous aurez raison (je ne suis pas un spécialiste de l’hôtellerie de luxe). Mais j’ai aujourd’hui suffisamment d’éléments pour comprendre que cette décision entraverait gravement nos actions futures.

Aujourd’hui j’ai l’impression qu’en laissant signer ce bail emphytéotique, je devrais renoncer définitivement à mes projets, à nos projets, pour Biarritz.

Pour toutes ces raisons, j’ai finalement pris la décision de voter contre ce bail emphytéotique de 75 ans que vous nous proposez.

Voir l’intégralité du conseil municipal :

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1 commentaires

  1. C’est le maire qui est un incompétent pour gérer une telle entreprise car depuis son élection il va d’échec en échec sur ce dossier et va conduire à la fin du Palace.

    La qualité des eaux de baignades sur la plage de Biarritz, plage très souvent interdite à la baignade et avec des surfeurs qui se plaignent régulièrement de problèmes de santé, fait que l’on ne peut pas conseiller aux touristes de venir à Biarritz, bien malheureusement. Dommage

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